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17 novembre 2006

Incontournable




J’ai vu Jean-Marie Le Pen en débat jeudi soir sur France 2, face à François Bayrou, Arnaud Montebourg et Patrick Devedjian et il m’a bluffé !

Ce type est diablement habile. Pour être honnête, de tous les hommes politiques présents, il fut le seul à vraiment parler des problèmes concrets des couches populaires, avec un langage clair, volontariste et pour une fois, pas uniquement centré sur l’immigration. Des remarques de bon sens, des solutions concrètes un brin démagos mais crédibles.

Aucun de ses compétiteurs n’était à la hauteur. Aucun n’a réussi, hormis en pratiquant l’anathème (ce qui à mon sens est une erreur car cela le renforce dans sa position de bouc émissaire injustement attaqué par « l’établissement »), à démontrer l’inefficacité de ses propositions.

Il faut dire qu’outre son talent oratoire indéniable, le leader du Front joue sur du velours. Il a beau jeu de renvoyer dos à dos le PS et l’UMP en arguant du fait qu’ils ont été les uns et les autres aux responsabilités ces 30 dernières années sans rien avoir fait pour enrayer le déclin de la situation des classes populaires et moyennes. Il s’est payé Montebourg d’une simple formule « vous n’avez rien fait quand vous étiez au pouvoir et maintenant que vous êtes dans l’opposition, vous prétendez avoir la solution à tous les problèmes ». Facile, mais imparable. Facile parce-que le Front National n’a jamais été confronté à la réalité du pouvoir (et qu’il tait le désastre de sa gestion municipale dans les quelques villes qu’il a un jour dirigées) et que l'absence d'une représentation de 20% de l'électorat français à l'Assemblée Nationale est une absurdité. Et imparable parce qu’il a raison lorsqu’il stigmatise l’inefficacité passée des politiques de gauche comme de droite, qui sont finalement assez semblables lorsqu'elles se retrouvent confrontées à l'épreuve des faits.

Le contenu même du discours de Jean-Marie Le Pen m’a également surpris. Sur trois heures de débat, le problème de l’immigration, pourtant central dans la rhétorique du Front National, ne fut que très peu abordé. Et encore, la plupart du temps sous l’angle de l’intégration. Il a même réussi à faire dire, en public et en direct, à Patrick Devedjian que le bilan de la Droite au pouvoir « n’était pas satisfaisant »… Chapeau !

La séquence clé de l’émission fut cependant l’interpellation des politiques présents sur le plateau par des français soumis à des difficultés sociales (une femme de 40 ans au chômage depuis 4 ans, un ouvrier victime de délocalisations, un étudiant sur-diplômé qui ne trouve pas de boulot, un restaurateur au bord du dépôt de bilan pour cause de 35 heures et charges sociales…) Alors que tous les responsables des partis de gouvernement répondaient aux questions posées par un discours généraliste et global, seul Le Pen parlait du concret de ces gens, de leur vie, de leurs difficultés. C’était très surprenant. On comprend dès lors mieux pourquoi une très forte proportion des classes populaires vote aujourd’hui pour le Front National et la reconquête de cet électorat par les partis « de gouvernement » me semble un enjeu majeur pour 2007.

En outre, on ne voit pas encore beaucoup Le Pen sur les plateaux de télé, mais cela va changer dans les mois qui viennent avec l’ouverture de la campagne officielle et son discours sera alors plus amplement relayé et il sera donc plus audible.

Clairement le Front National lisse son discours, soigne sa « respectabilité », a étoffé son programme économique et social et je suis certain, à moins d’un dérapage dont Jean-Marie Le Pen s’est quand même fait une spécialité, qu’il faudra compter avec lui de nouveau en 2007.

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Pour mémoire, voici la répartition de l’électorat du Front National au premier tour de 2002 :

21% des hommes
16% des 18-24 ans
30% des ouvriers
20% des agriculteurs
14% des professions intermédiaires
17% des salariés
38% des chômeurs
15% des étudiants
22% des titulaires du baccalauréat
23% des personnes bénéficiant d'un revenu modeste
11% des sympathisants RPR
7% des sympathisants de gauche
13% des proches de l'extême gauche
19% des proches d'aucun parti
18% des électeurs RPR/UDF aux législatives de 97
13% des électeurs de Balladur en 1995

 
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