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25 janvier 2007

L'abbé et les politiciens

Depuis lundi, tous nos « people » en mal de publicité se sont succédé dans les médias, la larme à l’œil et des trémolos dans la voix, pour porter hommage à l’abbé Pierre, Henri Groues de son vrai nom.
Et bien sûr, les plus présents ont été nos politiciens qui presque tous ont égréné un chapelet de louanges sans fin : Jacques Chirac en décidant un « hommage national » à l’« éternel insurgé de la bonté », Valéry Giscard d’Estaing en demandant de son côté des « obsèques nationales » et Laurent Fabius en souhaitant que sa place « soit désormais au Panthéon ». Il aurait même été question d'une demande de canonisation…
Avant-hier soir, Bernard Kouchner squattait carrément un Journal Télévisé à lui tout seul pour épancher sa peine devant des millions de téléspectateurs, se prévalant surtout, pour l’occasion, de sa grande amitié avec l’homme au béret le plus célèbre de l’hexagone. La preuve, il le tutoyait. À peine était-il interrompu par le chagrin tout médiatique d’une Marie Georges Buffet, d’un François Bayrou et de la plus grande partie de la camarilla française à écharpe tricolore parmi laquelle, bien sûr, nos deux « grands candidats ».

Pleurer sur celui qui les a surtout si bien aidé, inconsciemment ou non, à garder le Pouvoir, est le moins que cette France d’en haut puisse faire. On dit que l’abbé Pierre a « secoué » les politiciens. La vérité est qu’il a surtout été le paravent de leur incompétence face à une misère qui reste, depuis 50 ans une honte nationale.
Car ce n’est pas le monde politique mais les citoyens bouleversés qui, après le pathétique appel du 1er février 1954 en faveur des démunis, répondirent aux besoins. Dès le lendemain on assista à une « insurrection de la bonté », comme il fut dit alors. L’appel de l’abbé rapporta 500 millions de francs en dons, somme aussi énorme qu’inattendue. Le gouvernement français de l’époque, humilié, aurait dû réagir, démissionner ou pour le moins prendre des mesures exceptionnelles pour qu’une telle situation soit réglée à jamais ; il ne le fit pas, ni d’ailleurs les autres gouvernements qui, de droite comme de gauche, lui succédèrent. Au contraire, tous nos politiciens utilisèrent l’abbé Pierre et le formidable élan de solidarité qu’il avait déclenché pour se défausser de leurs responsabilités d’abord sur l’institution qu’il avait créé et qui est aujourd’hui une véritable multinationale (1), puis sur les autres structures du charity business à la française (2) telles que l’ARC, le Téléthon, les Restos du Cœur et les autres associations multiples et variées qui se créent chaque jour et dont Les Enfants de Don Quichotte ne sont que le dernier avatar.

L’abbé Pierre aurait dû être la mauvaise conscience des politiciens. Ce ne fut pas le cas, loin s’en faut, et il va certainement leur manquer.

Notes(1) Communautés d’Emmaüs, Société anonyme de HLM, Fondation Abbé Pierre, association Emmaüs, Confédération générale du logement, entreprises d’insertion, etc.(2) Contrairement à beaucoup d’autres « Les communautés (d’Emmaüs sont) fondées sur le principe de l’économie solidaire et du refus de l’assistanat. Les ressources proviennent exclusivement du travail de récupération de meubles et de vêtements, qui sont ensuite revendus. L’argent sert à faire vivre la communauté, les compagnons percevant environ 45 euros par semaine. Il existe 120 communautés et 4 000 compagnons. La galaxie abbé Pierre, c’est aussi une société anonyme de HLM (Emmaüs-Habitat) qui compte 12 373 logements, concentrés pour l’essentiel dans les huit départements franciliens. L’actionnariat est très dispersé, mais le pouvoir est entre les mains de personnes morales, comme la Fondation Abbé Pierre, Emmaüs France et Emmaüs international. La Fondation Abbé Pierre finance des actions en faveur des personnes défavorisées dans les domaines du logement, de l’insertion ou de la culture. 90 % de ses recettes proviennent de legs et de dons. » (www.liberation.fr, mardi 23 janvier 2007).

2 Comments:

Blogger Hussard Bleu said...

Excellent papier. Il n'est que justice que de rappeler, à l'heure où les abords du Canal Saint-Martin ont plus de mal que prévu à se débarrasser de leurs tentes rouges, que le politique devrait primer sur la charité publique pour réduire autant que faire se peut la pauvreté des plus défavorisés. Mais des discours aux actes, il y a loin !

11:24 PM

 
Anonymous Anonyme said...

Forte hausse des morts de la rue

Le collectif Les Morts de la Rue a annoncé que vingt-cinq sans-abri étaient morts à Paris et en Ile-de-France depuis le 20 décembre. « Ils sont morts de et dans la rue », explique l’association. Huit à l’hôpital, les autres dans la rue ou dans des abris de fortune. « Ils sont morts d’usure (maladie soudaine ou évolutive), d’accidents (percuté par une voiture dans son sommeil), (…) assassinés (…), de désespoir, de solitude. Jamais nous n’avons appris autant de morts en si peu de temps », écrit le collectif, pour qui « notre société ne peut en même temps honorer la mémoire de l’abbé Pierre et fermer les yeux sur tant de morts ».

2:13 PM

 

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