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07 juillet 2006

Du pareil au même

Hier ma boulangère, aujourd'hui mon médecin, tous semblent pris d'une soudaine et totale passion pour le foot-ball. Cela tient bien sûr à la Coupe du Monde et aux réussites de l'équipe qui représente la France.

Dans le silence étourdissant des politiques (qui tous tenteront de s'approprier la victoire dimanche prochain si l'équipe des bleus est victorieuse; pour la gauche "victoire de la société black-blanc-beur", pour la droite, "victoire de la volonté"), je ne résiste pas à vous inviter à lire un petit billet publié par Eric Zemmour dans Le Figaro du 6 juillet dernier.

Le voici :

Du pareil au même. C'était le slogan le plus ravageur de la dernière élection présidentielle française. Il voulait dire que Chirac et Jospin, la droite et la gauche, étaient similaires, interchangeables. Au lendemain des demi-finales de cette Coupe du monde, un sentiment identique nous étreint. Mêmes tactiques défensives, mêmes «bloc-équipes» de neuf joueurs, même attaquant en pointe. Mêmes concepts stratégiques, mêmes joueurs à la technique limitée mais au physique avantageux. Au début du tournoi, la fraîcheur du Ghana, la maîtrise de l'Argentine, l'enthousiasme de l'Allemagne nous ont donné l'illusion de la diversité. Depuis les huitièmes de finale, l'illusion s'est dissipée. Les matchs s'étirent en longueur entre deux boxeurs qui accumulent les coups avant que l'un des deux ne s'effondre.

Jadis, la Coupe du monde était l'occasion d'innovations tactiques. En 1970, le Brésil imposait le 4-3-3. En 1974, la Hollande révolutionnait par son «football total». En 1986, les Français de Platini mettaient au point un milieu de terrain à quatre joueurs voué au raffinement offensif.

Pendant longtemps, chaque équipe nationale incarnait son génie national, au même titre que la musique ou la littérature : le football-samba des Brésiliens et le football-champagne des Français, la rigueur germanique et le catenaccio italien, ou encore le sommaire kick and run anglais. Depuis l'arrêt Bosman, il y a dix ans, les meilleurs joueurs du monde se sont retrouvés dans les mêmes clubs. Les entraîneurs aussi. Ils se sont observés (à la vidéo), étudiés, imités, copiés. Pillés. Ressemblé. Les individualités sont broyées par ces systèmes rigides. Zidane est un dinosaure d'un autre temps ; Ronaldinho, le meilleur joueur du monde actuel, a été annihilé. Aucun jeune joueur n'a vraiment éclaté.

La mondialisation du foot, c'est aussi cette uniformisation des systèmes et des joueurs qui crée l'ennui. Pour garder sa passion intacte, le supporteur doit devenir schizophrène et séparer son amour du beau jeu de sa passion pour son équipe et le goût de la victoire. Jadis, seuls les Italiens y parvenaient aisément par une espèce de supériorité mentale qui m'a toujours impressionné. Nous sommes tous des supporteurs italiens.

 
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