Bayrou : Surprise du premier tour ?
Se posant en candidat "de la protestation positive", commençant à bénéficier du repoussoir qu'incarnent pour les électeurs modérés de gauche et de droite les personnalités affirmées pour ne pas dire autocratiques de Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy, François Bayrou pourrait bien créer la surprise au premier tour.
En témoigne cet article du Monde daté du 29 septembre dernier :
"Chaque jour depuis fin août, François Bayrou reçoit plusieurs appels d'amis, d'élus, de conseillers. Tous tiennent à lui faire savoir personnellement qu'ils ont, au cours de la journée, ou dans un dîner en ville, rencontré un ou plusieurs électeurs de l'UMP ou du PS prêts à voter pour lui à l'élection présidentielle. Lundi 25 septembre, Maurice Leroy, député UDF de Loir-et-Cher, recevait dix nouveaux adhérents à sa permanence. Aussitôt, il a prévenu "François" : "Huit venaient de la gauche !"
Mercredi, six élus UMP du conseil municipale de Toulouse ont rallié le parti centriste. Ce même jour, une note de quatorze pages est arrivée sur son bureau, rue de l'Université, à Paris. Rédigée par Frédéric Lefebvre-Naré, elle s'intitule "Ce qui se passe sur Internet autour de François Bayrou et de l'UDF". La première analyse de ce polytechnicien entré au service de l'UDF depuis six mois concerne le site agoravox.com, qui a organisé deux jours durant un sondage en ligne sur le premier tour de la présidentielle. Près de 4 000 internautes y ont pris part.
Divine surprise : " François Bayrou a d'abord été classé en deuxième position, puis est passé en tête avec 20-21 % des voix et son score atteint désormais (26 septembre) 28 %", écrit M. Lefebvre-Naré. Suivent plusieurs pages d'extraits de paroles d'internautes, sympathisants du PS ou de l'UMP, recueillis sur les sites des journaux. Tous se disent prêts à voter François Bayrou.
Ce "buzz" favorable aurait démarré dès la parution dans L'Express, le 31 août, des premières attaques du candidat Bayrou contre l'"intimité" du président de l'UMP avec "les puissances de l'argent". Le lendemain, sur France Inter, il dénonce les dirigeants des grands groupes audiovisuels les accusant "d'orienter" les Français "vers un choix préfabriqué". La rumeur positive chez les internautes augmente, à la faveur du face-à-face tendu entre le député des Pyrénées-Atlantiques et Claire Chazal, le 2 septembre, lors du "20 heures" de TF1.
Selon les proches de M. Bayrou, les confidences du candidat sur son entretien avec les dirigeants de la chaîne privée auraient encore amplifié ce phénomène. "Une explication musclée. Les murs ont tremblé", a raconté plusieurs fois le président de l'UDF, expliquant que ses interlocuteurs avaient milité ouvertement pour le "bipartisme" en politique.
Même les plus rêveurs de ses partisans n'osent conclure à une "bayroumania". D'autant que les sondeurs maintiennent leurs estimations, entre 7 % et 10 %, au premier tour. "La structure de sa popularité reste marquée à droite, souligne Brice Teinturier (TNS-Sofres). Même s'il est efficace et pertinent dans sa dénonciation, son espace reste celui d'un leader de droite modéré."
Mais chacun des soutiens du candidat UDF note que, désormais, "il n'est plus perçu comme avant". Deux fois ministre, favorable à la Constitution européenne, il est parvenu à capter - comme Jean-Pierre Chevènement en 2002 - l'étiquette de "candidat antisystème". Directeur de l'hebdomadaire Marianne, Jean-François Kahn lui a apporté son soutien "personnel" au nom du "centrisme révolutionnaire". "Maintenant, il est à la table de jeu", résume son conseiller, Philippe Lapousterle. Première conséquence : les concepteurs de la publicité pour Europe 1 ont intégré du coup le président de l'UDF (ainsi que Jack Lang) à leur visuel.
Persuadé que l'élection "attend sa surprise", installé sur le créneau de "la protestation constructive", il crève la "bulle Ségo-Sarko". Consultés au même titre que les sondeurs, des spécialistes du marketing l'ont convaincu que les "produits Royal et Sarkozy étaient liés comme Coca et Pepsi. Si l'un deux baisse, l'autre baissera à son tour" et que "tout ce qui ferait du tort à l'un atteindrait l'autre".
D'autres experts, plus politiques, ont mis en avant l'attirance de certains électeurs pour les valeurs d'autorité défendues par le couple Royal-Sarkozy, et leurs craintes face à la personnalité ou la capacité de l'un et l'autre. Ils en ont conclu que le vote Bayrou pouvait, dans ces conditions, devenir une "valeur refuge".
Reste à peaufiner sa stature de présidentiable. "Il bosse comme jamais", exulte un proche - et fait tout pour démentir sa réputation de dilettante. Durant l'été, il a consulté de grands patrons, en toute discrétion. Des intellectuels, tels que le démographe Emmanuel Todd et l'économiste Michel Godet, ont été reçus rue de l'Université. Un livre Au nom du Tiers-Etat (Hachette Littérature) paraîtra le 11 octobre. Son objectif : démontrer la "cohérence politique" du candidat et montrer qu'il n'est pas qu'un "homme de coups" et de "critiques".
Il y a quelques années, Jean-Louis Borloo avait eu ce mot concernant le président de l'UDF : "François préférera toujours avoir raison que de gagner une élection." "Aujourd'hui, répond-on à l'UDF, François veut gagner."
Philippe Ridet
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