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04 décembre 2006

Faut-il avoir foi en la France ?


Tous s'accordent à le dire, la France ne va pas fort. Il y a quelques jours encore, François Bayrou lors de l'annonce de sa candidature à l'élection présidentielle listait les maux dont souffre notre pays : "chômage, violence, dette publique, discrimination selon la religion ou l'origine, difficultés à joindre les deux bouts"... La litanie est bien connue et pousse parfois au désespoir ou au renoncement.

Dans le concert des "déclinologues" de tous poils, Georges Valance vient de publier "Le Phénix Français" un livre revigorant qui nous met un peu de baume au coeur. Sa thèse est simple : tel le Phénix, la France ne cesse de renaître de ses cendres. Comme le faisaient déjà remarquer Paul Valery ou Raymond Aron avant lui, il souligne l'extraordinaire capacité de "rebond" dont jouit notre nation qui lui a toujours permis, même dans les pires heures de son histoire, quand tout semblait irrémédiablement perdu, de retrouver en elle les ressources vitales nécessaires à son redressement.

Georges Valance illustre son propos de nombreux exemples historiques, que je vous livre tels quels (l'Express 28/09) :

1340-1360. Jean le Bon est capturé par les Anglais; le traité de la Bretagne réduit d'un tiers le territoire national; l'économie est paralysée, la monnaie perd les neuf dixièmes de sa valeur; la Peste noire entraîne plusieurs millions de morts. Voici que, en 1364, Charles V le Sage succède à Jean le Bon et que la France se redresse.

1562-1593. Huit guerres de Religion; la France glisse vers la partition; catholiques et huguenots s'affrontent de massacre en massacre. Henri de Navarre, devenu roi en1593, pourra déclarer en 1599 devant le parlement de Paris: «J'ai rétabli la France maugré ceux qui l'ont voulu ruiner.»

1648-1653. C'est la Fronde. La guerre civile dévaste des régions entières. La révolte contre le pouvoir royal est animée par la haute noblesse et la bourgeoisie parlementaire. Louis XIV écrira dans ses Mémoires: «Le désordre régnait partout.»

1795-1802. Le Directoire a succédé à la Convention. Il a à faire face à une crise insurrectionnelle, à la faillite de la monnaie et de l'Etat, à la guerre contre la seconde coalition des Etats européens. Le coup d'Etat du 18 Brumaire donne au général Bonaparte la responsabilité de la remise en ordre.

1870-1875. La France du second Empire connaît à Sedan une défaite humiliante. Adolphe Thiers doit exécuter un traité de paix qui ampute le territoire et impose une rançon de 5 milliards de francs-or. Ernest Renan écrira dans La Réforme intellectuelle et morale: «Tout a croulé comme dans une vision d'Apocalypse.» En 1873, le territoire est libéré (hormis l'Alsace et la Lorraine) et la rançon payée.

1940-1945-1958. La défaite de 1940 est «le plus atroce effondrement de notre histoire» (Marc Bloch). La France est occupée. L'économie française est exploitée par le IIIe Reich. Le gouvernement de Vichy collabore. De 1944 à 1945, de Gaulle rétablit l'ordre républicain et s'efforce de remettre en marche l'économie. Mais le réveil des partis politiques conduit le Général au départ. La IVe République engage la reconstruction de la France et crée avec l'Allemagne la Communauté européenne. Mais elle est minée par la faiblesse des institutions, la guerre en Indochine, l'insurrection algérienne. En 1958, la France sombre dans l'impuissance gouvernementale et la faillite financière. De Gaulle revient au pouvoir.


Toutes ces crises présentent des caractères semblables: la faiblesse du pouvoir et de l'Etat, l'effondrement de la monnaie, les dissensions partisanes, la régression économique, la menace et souvent l'occupation d'une puissance étrangère. Alors l'opinion française prend conscience de la nécessité d'un sursaut national. La France connaît à chaque fois, pour reprendre l'expression de Sainte-Beuve, un «immense et vigoureux printemps». Le redressement national est inspiré et conduit par des chefs d'Etat jouissant d'une grande autorité morale et politique, de la gloire militaire, de la sagesse qui apaise les divisions intestines. Ceux-ci trouvent des collaborateurs de grande stature intellectuelle et pleins de détermination: Charles V et Oresme; Henri IV et Sully; Louis XIV et Colbert; Napoléon et Gaudin, pendant quinze ans son ministre des Finances; de Gaulle et Debré et Rueff. L'ardeur et le dévouement se manifestent dans tous les milieux.

Ainsi en nous rappelant à quel point les Français, lorsque les circonstances l'ont exigé, ont pu par le passé surmonter les pires tragédies pour sauvegarder leurs valeurs et redonner à la France sa place dans le Monde, Georges Valance fait bien plus que nous encourager à l'optimisme. Il nous pousse à la résistance et à l'engagement.

Pourtant, il est bien difficile de croire l'heure de la résurrection arrivée. Le peuple français, bercé de discours démagogiques anesthésiants, n'a pas encore pris toute la mesure de l'urgence et de la gravité de la situation, il est encore trop riche et bien nourri. En outre, on n'entrevoit malheureusement aujourd'hui dans le paysage politique français aucun homme d'état (fut-il une femme) capable de rassembler et d'entraîner derrière lui la nation toute entière et de la conduire au sursaut indispensable.

Et nous avons pourtant plus de 30 candidats déclarés à l'élection présidentielle...

 
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