Y a-t-il encore un français dans la salle ?
La dernière proposition de Nicolas Sarkozy a provoqué des réactions très vives (même à l'intérieur de son propre camp puisque Simone Veil se dit maintenant réservée) qui démontrent que le thème de l'identité nationale est un des grands sujets de préoccupation des français. Car, au-delà des petits programmes (qui n'engagent que ceux qui y croient, pour réprendre un dicton bien connu), la question de notre devenir nous hante et nous perturbe.
Voici ce qu'en dit (fort bien à mon sens ) Eric Zemmour, chroniqueur au Figaro dans sa dernière livraison du 15 mars 2007 :
« Il ne faut pas se payer de mots. C'est très bien qu'il y ait des Français jaunes, des Français noirs, des Français bruns. Ils montrent que la France est ouverte à toutes les races et qu'elle a une vocation universelle. Mais à condition qu'ils restent une petite minorité. Sinon la France ne serait plus la France. Nous sommes avant tout un peuple européen de race blanche, de culture grecque et latine et de religion chrétienne. »
Non, ce n'est pas Nicolas Sarkozy qui a écrit ce texte. Ce n'est pas un « dérapage » de Jean-Marie Le Pen, ni un discours exhumé du maréchal Pétain. Ces propos seraient sans doute qualifiés « d'ignobles » par Ségolène Royal ; et de « dangereux » par François Bayrou. Ils sont pourtant signés du général de Gaulle.
La question de « l'identité française » hante l'histoire de France. Car la France n'est pas une race, mélange improbable depuis les origines de Celtes, d'Ibères, de Grecs, de Romains.
Après la défaite de 1870, Ernest Renan écrivit son discours fameux : Qu'est-ce qu'une nation ? Aujourd'hui, certains intellectuels se posent une autre question : « Existe-t-il encore un peuple français ? » Ou sommes-nous redevenus cet « agrégat de peuples désunis », dont parlait Mirabeau. Même les avocats de Nicolas Sarkozy réduisent l'identité de notre pays à la « citoyenneté républicaine. » Alors, Louis XIV ne fait pas partie de l'identité française ? Ni Jeanne d'Arc, ni Bayard ni Saint Louis ?
Il est, depuis trente ans, interdit de s'interroger sur le destin de la nation française. Multiraciale, multiculturelle, multiconfessionnelle, forcément, sous peine d'être raciste et xénophobe. Mais comment peut-on assimiler un étranger au vide ? Comment lui donner envie de devenir ce qui s'est évanoui ? La gauche interdit au peuple français de défendre « son identité », mais encourage toutes les autres identités du monde à se défendre, qu'elles soient kosovars, palestiniennes, tibétaines ou baltes. La droite, souvent, ne veut pas voir que sa vision du capitalisme, qu'elle juge si archaïque, fait aussi partie de l'identité française.
La question de l'identité française fut déjà le passager clandestin du référendum de 2005. Et à la source du vote Le Pen de 2002. C'est Nicolas Sarkozy qui fait scandale, alors que la gauche et le centre l'accusent d'être l'incarnation diabolique de l'Amérique. « La nation est le seul bien des pauvres. » Jaurès est décidément le grand homme de cette présidentielle.